Le talent n'est pas universel. Avez vous déjà cuisiné et suivi à la lettre une recette? Vous n'avez pas eu tout à fait le résultat espéré, voire votre prestation culinaire a été catastrophique? Tout comme les fours sont différents de par leur temps de mise en chauffe et l'uniformité de leur cuisson, les patients se distinguent tous par leurs particularités. Vous ne pouvez leur appliquer à la lettre une recette, et si vous pensez ne pas avoir le talent des grands chefs, vous pouvez très bien avec un peu de bon sens, ravir vos invités. Voici donc, douze réflexes à avoir, pour mener à bien un traitement orthodontique. Loin de prétendre coucher sur ces pages la vérité absolue (que je détiens, mais que je ne dirai pas), voici quelques pistes de réflexion, vers lesquelles tendent toutes les formations, visant à améliorer vos conditions de travail quotidien (tant au niveau psychologique, que scientifique).
Fraîchement sorti des études ou dans son train train quotidien, on n'imagine pas que les lignes puissent bouger, dans une discipline dont on pense avoir fait le tour. La formation continue est la pour nous rappeler à la modestie concernant nos connaissances et le minimum intellectuel est l'abonnement à une ou des revues à fortes valeurs scientifiques. Il est plus que dangereux de baser celle ci, uniquement sur les dires des fournisseurs, et il ne faut jamais hésiter à vérifier tout ce qui est dit. Rien ne vaut la lecture par le filtre des evidence based.
Les meilleurs outils de traitement, ne vous éviteront pas l'erreur diagnostic. Comme tout le monde vous en faites et vous en ferez. Seulement si vous prenez le temps de faire celui ci, et de l'expliquer au patient, non seulement, vous améliorerez votre réussite de traitement mais en plus vous amènerez une synergie avec la coopération des enfants et des parents. Le diagnostic de la croissance restante, de la motivation du patient, parents, et des désirs de ceux ci vous conduiront à un plan de traitement individualisé. Comme 50% du traitement vient du patient, le temps perdu à expliquer se gagne dans les soins.
S'il n'a pas pu être établi qu'un traitement précoce (en deux phases, en somme) est plus rapide, il est par contre évident que le choix du moment de traitement, est un paramètre important dans la réussite. De fait si le patient est dépisté tôt on pourra, en son âme et conscience, faire une interception, guetter le pic de croissance, ou attendre l'évolution complète de la denture adulte. Ce qui évite d'être mis au pied du mur avec une jeune fille de 15 ans en full classe II.
Ne pas se précipiter sur le multi bagues ou les extractions si les supports osseux sont déficients, ou si les décalages osseux sont conséquents. La gestion du sens transversal, au moyen de quadhélix, ou de disjoncteur (en rappelant que seul ce dernier augmente significativement la perméabilité des fosses nasales, s'il est utilisé avant le pic de croissance), est une nécessité dans un monde ou les allergies et les apnées du sommeil prennent de plus en plus de place.
La résolution de la classe II ou III, doit se faire le plus tôt possible. Si on rapporte seulement une différence de croissance de 2mm avec ou sans propulseur (la bielle de Herbst dans cette étude), et bien, c'est dèja ça. Les classes III, doivent aussi suivre le même chemin, avec en fonction du diagnostic, le masque de Delaire, les plaques d'ancrages (voir les travaux de De Clerck).
Tout est dans le titre, pour paraphraser le Dr Pitt. Vous devez commencer en sachant le résultat que vous souhaitez obtenir. C'est notamment valable lorsque vous posez un multi bagues. Anticiper les mouvements en personnalisant le collage en fonction de la dimension verticale (supra ou infraclusions, on peut utiliser des chartes de collage), des bords incisifs abîmés, des rotations (pratiquer la surcorrection de préférence, car le vrai arc en fullsize n'existe pas).
On peut vous proposer des brackets magiques qui font de l'expansion, ou de la fermeture d'espace facile, hyper personnalisé, conçus en laboratoire. C'est faux les brackets ne font rien du tout. C'est le fil qui dirige. Vous êtes le responsable de votre traitement et vous gardez le contrôle des mouvements en contrôlant le fil et les auxiliaires (chaînettes "elastomériques", tractions intermaxillaires, ancrages etc.). Pour les traitements par "aligneurs" c'est la même chose. Rien ne se fait tout seul et vous devez être capable de rattraper une erreur de conception des dispositifs, ou un aléa thérapeutique. A garder à l'esprit lorsque l'on choisit un outil de traitement.
Connaître tous les systèmes c'est pouvoir faire un plan de traitement individualisé. Même si le productivisme fait que l'on veut tendre vers un outil pour tout le monde, il est évident que devant les différences morphologiques entre chaque individu, un système ne peut convenir. Connaître tous les outils, et en découvrir de nouveaux, c'est se donner les moyens de bien traiter. Un petit peu comme celui qui maitrise tous les raccourcis (parce qu'il s'est embêté à faire plusieurs routes différentes), et celui qui se sert de son GPS, même pour aller acheter son pain.
Vous pouvez vous planter. 17% d'erreurs médicales, c'est une moyenne qui peut ou non rassurer. Se réévaluer, à chaque rendez vous et surtout l'expliquer aux parents, qui sont ravis que l'on considère leur enfant comme un patient en particulier, c'est s'éviter des échecs de traitement voir des relations conflictuelles avec les géniteurs. Donc aucune honte à changer de plan de traitement en cours.
Vous soignez un patient, qui porte un appareil dans une période certes très adaptative (pour les enfants), mais dont l'appareil ce révèle quoi qu'on en dise une contrainte (niveau port, alimentation, élastiques etc.). Rajouter 6 mois de traitement pour 5° de torque sur des prémolaires cela n'a pas de sens d'autant que cela n'aura aucun impact sur la vie future de l'enfant, même pas pour sa mastication. Choisir toujours le chemin le plus court, pour éviter les abandons de traitements (qui sont vos échecs, et oui...). Un type de traitement parfait, fonctionnel, mais perdant 70% des patients au cours du traitement n'est pas à prescrire pour tous, sinon autant jouer à pile ou face, vous aurez plus de chance de gagner.
Vous connaissez la différence entre Dieu et un orthodontiste? Et bien Dieu, il ne se prend pas pour un orthodontiste... Il faut connaître ses limites, et surtout la frontière où commence la chirurgie. Vous ne pourrez pas agrandir un maxillaire, avec des brackets autoligaturants, quel que soit la publicité que l'on vous en à fait. L'expliquer au patient est important. Et si ce dernier refuse l'indication chirurgicale, libre à vous de faire un compromis ou bien de vous abstenir si le résultat risque de décevoir ou d'être très instable. Il vaut parfois mieux éviter ce genre d'ennuis. Un patient satisfait parle de vous à 3 personnes. Un insatisfait à 10...
Le partage d'éxpérience appelé "Study Group" par nos amis du marketing, est une réelle chance d'avancer et de rendre son métier plus intéressant. Encore que personnellement j'ai tendance à fuir ce genre d'évènement car la finalité en est mercantile. On apprend mieux en regardant les échecs des autres que leurs réussites. Ainsi si vous voyez une longue présentation ou tout est réussi, c'est que la personne qui l'a faite n'est pas tout à fait honnête. Le développement d'Internet est vraiment une chance pour partager. On ne s'enrichit que des autres...
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